Mon 11 février

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Le nez qui pique, les yeux qui pleurent, les pieds dans la boue. Comme l’impression d’être bloqué dans ce parc qui fait face au palais de justice de Bobigny. Une épaisse fumée blanche m’entoure. Aux deux extrémités de cet espace vert, les forces de l’ordre viennent de lancer du gaz lacrymogène. Un signal pour nous dire de quitter les lieux, sans doute.  Autour de moi des jeunes femmes, des jeunes hommes, des parents avec leurs enfants. On cherche tous une issue.

Je trouve un petit chemin qui m’amène jusqu’à la gare routière de Bobigny. Là, moment de flottement. Avancer ou ne pas avancer jusqu’au centre commercial à proximité. Les vitres des arrêts de bus sont détruites, les CRS sont sur les nerfs. Un homme blanc d’une cinquantaine d’années, cheveux grisonnant, essaye de discuter avec l’un d’eux. Il se voit retourner un « ferme ta gueule« .  Je me dis que moi avec ma peau noire ce n’est peut-être pas le moment de demander si je peux passer. J’ai peur de recevoir un jet de la bombe lacrymogène qu’il tient en main. Il me semble fébrile ce fonctionnaire de police, pas maître de lui-même. Je ne sais pas ce qu’il a vécu juste avant mais je sens qu’à tout moment il pourrait avoir un geste « accidentellement » malencontreux.

A ce moment-là, je me dis que j’étais bien quelques heures plutôt dans ce parc. Un sentiment de plénitude. Voir plusieurs milliers de personnes très diverses réunies pour la justice et contre les violences policières. Des Noirs, des Arabes, des Blancs, des Asiatiques, des vieux, des jeunes, des familles, des militants, des non-militants, des bobos, des prolos, des habitants de quartiers populaires, des habitants de villes plus cossues… Tous unis sous une même bannières « Justice pour Théo ». La France que j’aime !

Cela faisait longtemps que je n’avais pas eu le sentiment que l’on pouvait s’unir pour quelque chose dans ce pays.

Même les « Nuit Debout » sont là. Je dis ça car d’un point de vue de banlieusard, j’ai l’impression que  nos combats ne sont pas souvent partagés par la France militante de gauche.

Les prises de paroles sont variées. Les pro des manifs y côtoient des néophytes. Et forcément autant de personnes aussi différentes dans un même lieu, cela crée des moments d’incompréhension plutôt amusant malgré tout… Des jeunes issus de quartiers populaires prennent le micro pour entonner la Marseillaise.  Ça commence à prendre mais rapidement les huées de militants d’extrême gauche couvrent l’hymne national. Ce sont deux visions qui s’affrontent. D’un côté, certains veulent montrer leur appartenance à ce pays qui ne veut pas d’eux et de l’autre on indique clairement un rejet de ce symbole français. Un jeune homme, tout près de moi, dira même « le Chant des partisans à la rigueur mais pas la Marseillaise« .

Mais ces points de divergences ne font perdre à personne l’essentiel, le combat pour la justice réelle pour tous les Français.

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Alors oui, il y a eu de la casse et les médias mainstream vont, comme d’habitude, s’attarder là-dessus. Moi, je retiens l’unité et la solidarité pour une cause juste.

Certains ont eu leur 11 janvier, moi, j’ai dorénavant mon 11 février.

Just See Real

 

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